Schubert : musique orchestrale


 

Symphonie n°8 en si mineur, "Inachevée", D759

Cette symphonie célèbre de par son énigmatique inachèvement est surtout l'une des oeuvres les plus noires du répertoire orchestrale. Elle est étroitement liée à la ballade "Le Nain", où à la sonate en la mineur D784 : oeuvres charnières, marquées par  la maladie, sommets de désespérance. 

Le début du premier mouvement est un modèle de rigueur dans la construction. La phrase introductive, au profil caractéristique, en apparence séparée du reste comme une dédicace à la nuit, gronde aux cordes graves,  menaçante, dans une ambiance lunaire, fantomatique. Le premier thème s'élance alors, sur une pulsation formée par le thème du destin de Beethoven, tourne en rond dans ce cauchemar. Un deuxième thème dansant tente une ouverture, mais une brusque catastrophe le montre soudain sous un éclairage violent et tourmenté. Le développement commence par la phrase d'introduction. Le contraste entre le grave des violoncelles, d'une noirceur atroce, et l'aigu glacé employé pour la réponse est saisissant. La montée de l'angoisse débouche vers l'exposé de la phrase introductive en majesté, dans un puissant et cuivré tutti qui souffle comme une tempête nocturne. Le retour du deuxième thème prépare la réexposition, qui sonne comme un retour obsessionnel. La coda est basée sur la phrase d'introduction, accablée d'un désespoir sans remède.

C'est une lumière irréélle, comme filtrée par un vitrail, qui ouvre le deuxième mouvement. Un premier thème bâti comme un choral sur une pulsation allante fait découvrir un magnifique vision de paradis, à peine voilée par les variations d'éclairages produites par les modulations.Le climat soudain se raréfie, l'angoisse monte avec le second thème, d'abord chantant aux bois, puis tutti effrayant qui replonge la musique dans la noirceur du premier mouvement. Entre ces deux thèmes il n'y a pas échange, simplement une juxtaposition, un contraste qui les renforce l'un l'autre. A la fin, le premier thème, montant de plus en plus haut vers le ciel, se dissous dans le silence.

Furtwängler, dans une vision ultra-romantique, est indispensable (par exemple avec Berlin en 1952), ne serait-ce que par le grain épouvantablement noir qu'il donne aux violoncelles dans la phrase initiale.

Symphonie n°9 en ut majeur, D944

C'est dans une malle que Schumann a découvert, dix ans après la mort de Schubert, cette oeuvre majeure, un modèle pour la symphonie au XIXème siècle. Une oeuvre aussi dans un style étonnant pour Schubert, surtout dans sa dernière année : un musique joyeuse, juvénile (il n'avait que 31 ans après tout) débordante d'un génie exubérant.

L'introduction du premier mouvement se dresse comme un monumental portique : une phrase majestueuse au cor retentit dans un climat digne de de Bruckner. Toutefois, sa cadence légèrement dépressive évoque une atmosphère onirique : cette symphonie n'est pas l'Héroïque, il ne s'agit pas d'une action, mais du rêve d'une action. Une magnifique accélération en crescendo propulse le premier thème, rythmé et vigoureux. Le deuxième thème, plus chantant, l'amplifie par une superbe progression, soutenue dans le grave par les cuivres, et que le développement reprendra, menaçante et terrible, dans un puissant tutti. La phrase de transition avec la réexposition, d'une noire désolation, fait entrevoir un court instant les abîmes sur lesquelles est fondée cette joyeuse musique. Dans la coda, l'excitation atteint son comble, l'orchestre se sature de couleurs splendides, quand, tel un boulet de canon qui fend l'air dans la fournaise de la bataille, surgit la phrase introductive en majesté.

L'andante con moto, donc d'une allure plutôt rapide, à un côté "ronde de nuit". La pulsation, implacable et décharnée, est d'abord donnée seule aux cordes graves. La mélodie principale, d'abord au hautbois, fortement scandée par des accords secs, donne le sentiment de traverser, sans s'arrêter, un paysage désolé. Le deuxième thème, en forme de choral, surabonde de contrechants d'une confondante beauté. On voudrait tant qu'il dure, on pleure lorsqu'il s'efface peu à peu pour laisser place au thème initial. Celui-ci se métamorphose dans la partie centrale, le voici violent et fracassant, véritable vision d'horreur stoppée nette sur un silence béant, consolé par une reprise du deuxième thème. A la fin la pulsation se réduit à une série d'accords secs résumant de manière saisissante le chemin parcouru, avant de disparaître dans la nuit.

Avec le scherzo vigoureux et rustique on retrouve avec soulagement l’entrain joyeux du premier mouvement, à peine voilé par la rêverie du trio.
L’appel en fanfare qui ouvre le finale donne le ton. Voici une gigantesque et géniale tornade, une joie irradiante, à la limite de l’hystérie. Le premier thème s’élance comme une fusée de feu d’artifice. Le deuxième thème, plus chantant, enchaîne ses répétitions en s’enivrant de sa propre vitesse. Et, au début du développement, voici l’hymne à la joie de Beethoven qui s’invite comme en contrebande, à la fois insolite et parfaitement en situation, pour être aussitôt concassé, broyé, et finalement avalé par l’inépuisable matière de Schubert. La coda euphorique hurle avec bonheur une victoire totale. 
 
Encore une fois, Furtwângler sort vainqueur. On préférera la version 1942 avec Berlin, marquée comme la plupart des concerts de guerre par un sentiment d’urgence et d’imminence de la catastrophe qu’on ne retrouvera pas par la suite. Et on jugera ce que vaut son étiquetage en « chef lent » d’après le tempo dément imprimé au finale.


Accueil

Musique

Bach
Mozart
Beethoven
Schubert
Musique pour piano
Musique de chambre
Musique symphonique
Lieder
Chopin
Schumann
Liszt
Wagner
Brahms
Verdi
Bruckner
Mahler
Autres compositeurs
Mon piano amateur
Liens musicaux


Astronomie