Si
Schubert a laissé des oeuvres dans tous les genres, il est bien le
maître du lied. Pas seulement en regard de la qualité et de la quantité
de sa production en ce domaine, ni même du fait qu'il soit le premier
compositeur a y avoir accordé une telle importance, mais parce que
l'esprit du lied irrigue la totalité de son oeuvre. Nombre d'oeuvres
instrumentales reprennent même la musique de lieder sur des textes au
climat proches (certaines, comme le quatuor La jeune fille et la Mort,
l'assument explicitement). Ces thèmes hautement romantiques hanteront
Schubert tout le long de sa courte vie, sous le patronage de celui du
voyage. Schubert se considérait comme un voyageur sur la terre,
condamné à l'errance solitaire sans trouver le bonheur : le Wanderer.
Car comme le dit le poème du lied du même titre et consécration du
rythme dactylique, "le bonheur est là où tu n'es pas". Le bonheur se
réfugie alors dans le rêve, toujours présenté comme lointain et
inaccessible, illusoire aussi ou, comme dans le lied "Beau monde, où
es-tu ?", rejetté dans un passé mythifié, infiniment prolongé, sans
justification autre que poétique, par un allongement, brucknérien avant
l'heure, des périodes musicales, dans lesquelles l'éclairage est
continuellement varié par des modulations incessantes, installant
l'auditeur dans un climat de rêve où, la tonalité devant si variable,
la ligne mélodique peut faire oublier que le rêve prendra fin pour
laisser place à la misère du quotidien. La mélodie infinie chère à Wagner, C'est chez Schubert qu'on la trouve. Autant que Beethoven, Schubert est le père de la musique romantique allemande.