Le Vaisseau Fantôme, Tannhäuser, Lohengrin

Richard Wagner

Les premiers drames de Wagner (plus exactement les premiers qu'il n'a pas reniés) appartiennent encore pleinement au genre opéra (ce sera plus discutable par les suite). Ils montrent une évolution marquée d'un génie vers la maîtrise d'un langage indubitablement personnel et unique. Avec ces trois oeuvres d'accès relativement simple, c'est un voyage merveilleux vers le Ring qui commence...

Le vaisseau fantôme

Premier coup de maître d'un jeune génie qui s'est longtemps cherché, et qui enfin ici s'est trouvé, tel est le Vaisseau Fantôme (Der Fliegende Holländer, littéralement le Hollandais Volant). Bien sûr, on y trouve encore, toutefois transcendés par un enthousiasme rageur, des oripeaux conventionnels que Wagner rejettera progressivement, avant de les abandonner complètement pour le Ring : structure en numéros, ensembles obligés, certains personnages restent stéréotypés (Daland, Mary). Mais ce qui s'en extrait est fascinant. Les grands thèmes que ressasseront les drames futurs sont là : l'errance, la malédiction d'un homme à l'identité problématique (on n'en saura jamais que le surnom) que seul l'amour d'une femme, en pleine connaissance de cause, pourra sauver, le tout dans une ambiance mythique intemporelle. Et que de moments sublimes ! L'ouverture bien sûr, qui d'emblée troque le atours en toc du grand opéra pour se placer sous le patronnage évident de Beethoven, celui de la Neuvième Symphonie (la tonalité de ré mineur, les quintes à vide) ; le monologue d'entrée du Hollandais, qui par instants prophétise le récit de Wotan ; la ballade de Senta ; et la terrifiante scène chorale où les marins maudits glacent la fêtes des norvégiens.

Hans Hotter est le plus génial des Hollandais, quelque part entre ses deux immenses incarnations qu'ont été son Voyage d'Hiver et son Wotan (les points communs sont d'ailleurs saisissants). On l'écoutera en live 1944, dirigé par Clemens Krauss. La célèbre photo de scène, avec ce grand chapeau et un regard illuminé, est l'une des plus belles de l'iconographie opératique.

Tannhäuser

Tannhäuser, Bayreuth 1954

Partagé en deux versions (Dresde 1847 et Paris 1861) séparées de quatorze années décisives dans l'évolution artistique de Wagner, déchiré entre les fantômes du grand opéra italien et les esquisses du drame musical à venir, il semble que Tannhäuser n'a jamais pu trouver son achèvement. Malgré ses défauts, malgré un côté parfois ingrat d'un langage qui se cherche encore et qui la rend difficile à aimer, cette oeuvre sait aussi déborder de beautés. L'ouverture d'abord, formidable morceau d'orchestre, avec son thème des pélerins, qui parcourt tout l'opéra, et qui est l'un des plus beaux thèmes de toute la musique ; la bacchanale qui la suit, mroceau complètement fou, nourri au filtre de Tristan, et qui anticipe sur la sensualité de Salomé de Richard Strauss ; le récit du pélerinage de Rome, le premier des récits wagnériens avec toutes ses caractéristiques : vision englobant l'espace et le temps dans une large perspective dramatique. Tristan et Wotan suivront. Et surtout, tout le rôle de Wolfram, personnage le plus touchant de l'opéra, fraternel et humain, dont le chant est un hommage aux lieder de Schubert (la romance à l'Etoile !). Il n'est guère étonnant que son meilleur défenseur ait été Dietrich Fischer-Dieskau...

Lohengrin

Lohengrin marque la dernière étape d'une évolution de compositeur d'opéra romantique, l'apogée d'un certain style qui trouve ici son accomplissement, en même temps qu'il laisse pressentir une orientation toute nouvelle. Bientôt, Wagner délaissera momentanément la composition pourse recueillir dans une refléxion théorique d'où sortira l'Anneau. 

Par rapport aux autres opéras, passés et futurs, de Wagner, Lohengrin se distingue par une inspiration mélodique particulièrement heureuse, qui le rend certes plus facile d'accès, mais surtout remarquablement unifiée et qui contribue à faire de l'oeuvre un univers musical cohérent (ce que seront les drames futurs). Les chanteurs ont encore la primauté de la mélodie. Pourtant, avec Lohengrin l'orchestre prend le pouvoir : c'est lui qui désormais raconte l'histoire, instaure un climat, développe une puissance évocatrice qui sera désormais la marque de fabrique de Wagner. Le tout dans un chatoiement de couleurs encore inusité, avec une affection particulière pour les bois, une pure beauté sonore source de poésie : on retiendra évidemment le prélude du premier acte, irréel et rêvé. Et, dans un autre registre, le prélude du deuxième acte et tout le personnage d'Ortrude, où l'on distingue déjà la noirceur cuivrée du Crépuscule des Dieux, auquel répond la mélancolie profonde du chevalier au cygne. Car l'échec de sa tentative est programmée : Lohengrin est l'opéra le plus pessimiste, le plus désabusé, de Wagner, c'est aussi ce qui en fait son prix.


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