Le jour J tant attendu est enfin là ! Un départ extrêmement matinal
de West Yellowstone nous a permis de rallier sans encombre, avant même
le lever du Soleil, la petite ville de Rexburg, dans l'Idaho, située à
proximité immédiate de la ligne de centralité de l'éclipse. L'AFA avait
bien fait les choses, en nous réservant un emplacement dans le parc de
la ville, pour un confort optimal. J'ai retrouvé là Stéphane Dumont, le
président de la SAML, qui avait le voyage avec un autre groupe de l'AFA.
Les conditions météorologiques n'auraient pas pu être meilleures,
avec un ciel parfaitement dégagé de tout nuage pendant toute la durée
du phénomène.
Pour moi, c'était une première... sauf à considérer l'éclipse du 11
août 1999, "observée" sous la pluie en Normandie. J'étais en proie à
une excitation étrange, faite de l'attente d'un spectacle d'une beauté
inhumaine, "qu'on n'a jamais vu et qu'on ne verra jamais plus" selon la
splendide formule de Camille Flammarion, et de la certitude qu'il se
produira, à l'heure prévue, et que j'y assisterai.
Il n'y avait plus qu'à attendre et à se mettre en place. Avant
mon départ, j'avais décidé que je profiterai à fond de ces 2m16s avec
mes yeux, sans prendre de photo. Pourtant j'avais emmené avec moi mon
trépied et ma télécommande... Les jours précédents, Patrick Pelletier
de l'AFA (merci Patrick !) nous avait expliqué comment procéder. Alors j'ai monté moi
aussi mon matériel photographique, me promettant seulement de
déclencher à l'aveugle, sans un regard pour l'écran de mon appareil,
pour garder un souvenir, ô combien insuffisant, décevant, de cet
instant d'éternité.
Je n'ai pas pris d'image des phases partielles, car j'avais pu en faire quelques une en 1999. J'ai préféré regarder autour du moi la lumière decroître étrangement, avec ses ombres de plus en plus tranchée, ressentir la température décroître, une ambiance inquiétante, qui aurait été désagréable si je n'avais su ce qu'elle préludait. A l'approche de la totalité, la couronne a commencé à apparaître, j'ai cadré et déclenché... Juste avant que l'ombre de la Lune nous engloutisse, le Soleil, à travers les montagnes et vallées lunaires, nous envoya un dernier rayon, le diamant, d'une pureté incomparable et poignante :
Durant 2m16, les yeux rivés sur ce Soleil noir trônant sur un ciel
bleu nuit, j'ai déclenché, faisant hélas bouger un peu trop mon
appareil, variant les temps de pose pour tenter de capturer
l'ahurissante dynamique du phénomène, depuis les délicates
protubérances (surtout visibles en haut à droite) jusqu'à la couronne
externe et ses trois jets proches de l'équateur solaire. La focale est
de 100 mm, avec recadrage. Les photos sont présentées dans l'ordre
chronologique.
Sur ce plan large, plusieurs étoiles de la constellation du Lion, à commencer par la belle Regulus tout près du disque solaire, sont identifiables :
J'ai effectué tranquillement à la maison une petite combinaison HDR, pour tenter de reproduire la finesse des volutes de la couronne solaire :
En fin de totalité, j'ai pris le risque de pousser la focale au maximum permis par mon objectif, soit 135mm :
Déjà le Soleil réapparaît derrière le limbe lunaire... c'est déjà fini...
Après une explosion de joie, la tension
retombe brutalement. Hébétés, alors que la lumière et la chaleur
reviennent, nous échangeons sur nos impressions, dédaignantles phases partielles.
Nous étions partis très tôt pour éviter les bouchons, nous avions eu
une route dégagée... Pour repartir ce fut une autre histoire ! Notre
plan de voyage impliquant de franchir les Rocheuses durant
l'après-midi, nous avons changé d'itinéraire, passant devant les
montagnes du Grand Téton (à travers les vitres du bus) :
De l'autre côté des montagnes, les grandes plaines du Wyoming sont riches en bisons :
La route fut terriblement longue... pourtant cette journée à nulle
autre pareil nous réservait encore une merveilleuse surprise. Alors que
le jour tombait et que le bus roulait dans les solitudes du Wyoming, au
sud du Parc de Yellowstone, nous vîmes passer en contrebas un ours
paisible. Nous étions chez lui... avait-il vu l'éclipse ?