Beethoven : les quatuors à cordes

violon

Les six quatuors op. 18

Si Beethoven n'avait pas écrits d'autres quaturos que ceux-ci, il ne serait probablement pas considéré comme le maître du genre. Non qu'il s'agisse d'oeuvres médiocres : à part peut-être le quatrième, qui semble par instant manquer de cohérence, ces quatuors témoignent d'une parfaite maîtrise de l'écriture et d'un goût très sûr. Seulement, il est clair qu'ici Beethoven s'essaie, se cherche, étudie : le cinquième est par exemple un parfait hommage à Mozart, sans qu'il y ait là plagiat, mais seulement intégration des procédés et surtout de l'esprit.

Dans cet ensemble, le sixième quatuor détonne : perfection du premier mouvement, espièglerie du scherzo ; et surtout, un contraste terrible entre l'introduction du finale (titrée : la mélancolie), et le finale lui-même, d'un gaîté presque forcée : du vrai Beethoven.

Quatuor en fa majeur, op. 59 n°1

Le quatuor op. 59 n°1 est pour le quatuor à cordes ce que la symphonie Héroïque est pour la symponie : une révolution qui fait éclater les conventions, les usages pour ne plus obéir qu'à un génie qui s'affirme partout souverain. La générosité des thèmes, débordants de passion, l'habilité des enchaïnements et de la gestion de l'espace sonore, achèvent de faire de cette oeuvre admirable un pilier du répértoire.


Quatuor en mi mineur, op.59 n°2



Quatuor "Les Harpes" en mi b majeur, op. 74



Quatuor "Serioso" en fa mineur, op. 95

Voici le plus court, le plus théâtral, le plus sombre des quatuors de Beethoven. Le plus concentré, aussi, y compris en regard des habitudes, pourtant sévères en ce domaine, du compositeur. Sauf par instants dans le mouvement lent, les cordes sont âpres, revêches, sans séduction sonore. La musique y est partout tendue comme un ressort, violente, intensément dramatique. Ce n'est pas pour rien que Beethoven a choisi la même tonalité que la sonate Appasionata : on y retrouve les mêmes tourments, la même impression de tourner en rond dans une ambiance volontier très sombre, mais avec une économie de moyens encore accrue annonciatrice des dernières oeuvres. Seule la toute fin pourra surprendre par un optimisme surjoué,  sans réél rapport avec ce qui précède.


Quatuor en mi b majeur, op. 127




Quatuor en la mineur, op. 132



Quatuor en si b majeur, op. 130, et Grande Fugue, op. 133



Quatuor en ut dièse mineur, op.131

A un ami qui s'étonnait des audaces du treizième quatuor, Beethoven aurait répondu : "Mon bon, il m'est encore tombé dans l'esprit quelques idées dont je veux tirer parti... Quant à l'imagination, Dieu merci, nous en manquons moins que jamais". Il parlait de son quatorzième quatuor : il sera mort moins d'un  an après, dans la plénitude de ses moyens créateurs.

Avant-dernier quatuor de Beethoven, il est généralement considéré comme le meilleur. Dans cette œuvre monumentale, dont les sept mouvements s'enchaînent sans interruption, Beethoven a rassemblé les trois genres qui l'ont le plus occupé lors de sa dernière phase créatrice : la fugue, la variation, la forme sonate, dans un ordre inversé à celui du treizième quatuor ou de l'Hammerklavier. Le quatuor débute par une fugue lente, rappelant Bach, construite sur un thème triste qui peu à peu s'élève. Un court mouvement de transition amène aux variations : vaste ensemble qui pourrait être sans fin, tant l'imagination semble ici sans limite. Suit un presto, mécanique superbe de vitesse. Un adagio très court, mais qui semble renfermer en quelques phrases tout le malheur du monde, débouche sur le finale, une forme sonate herculéenne. Wagner a superbement décrit ce mouvement : "C’est la danse du monde lui-même ; désir farouche, plainte douloureuse, ravissement d’amour, extase suprême, gémissement, furie, volupté et souffrance, frémissement d’éclairs, grondement de la tempête ; et, dominant cet ensemble, le prodigieux musicien qui force et dompte tout, et qui, fier et tranquille, de tourbillon en tourbillon, nous conduit à l’abîme. Il sourit sur lui-même, car pour lui, cette magie n’était pourtant qu’un jeu. Mais la nuit vient lui faire un signe : pour lui, ce jour est révolu..." Vision effrayante du compositeur, dieu se jouant de sa création.

Ce quatuor sera la dernière musique entendue par Schubert. On trouvera ici un site dédié à ce quatuor.



Quatuor en fa majeur, op. 135

L'oeuvre de Beethoven aurait pu s'achever sur l'emblématique forme-sonate du quatorzième quatuor. Mais, pour notre plus grand plaisir, cet honneur sera dévolu à cette oeuvre fraîche, gaie, énigmatique aussi qu'est le seizième quatuor. Les proportions peuvent surprendre, tant elles paraissent réduites par rapport aux précdent quatuors. C'est que Beethoven avait en cet instant les tête grosse de projets nouveaux (une dixième symphonie notamment) et était pressé de terminer ce quatuor. N'oublions jamais que sa position dernière dans le catalogue de Beethoven est due à un hasard cruel. 

Les deux premiers mouvements sont caractéristiques de l'humour beethovenien : par exemple un premier thème qui semble d'abord grave, se termine en pirouette. Beaucoup de subtilité aussi, dans le développement d premier mouvement, et dans le rythme du scherzo (mais dans quelle mesure est-il écrit exactement ?). Le troisième mouvement est le dernier mouvement lent de Beethoven. Il n'est pas le plus beau, quoique... Une écriture d'une simplicité absolue, un thème touchant, à peine changé par de subtiles variations d'éclairage, qui pourtant au milieu découvriront un abîme. Et pour finir un si doux sourire, baignant dans une lumière irréélle, comme une ineffable vision de paradis, à la fois si proche et si loin... Ce Beethoven-là n'avait pas eu besoin de rencontrer Schubert, leurs esprits communiaient. 

Le finale est une énigme. A l'origine, un canon sur un jeu de mot. Un bourgeois viennois se vantait de pouvoir entendre le quatorzième quatuor sans payer. "Le faut-il ? " (payer) "Il le faut !" réplique Beethoven, "délie ta bourse". Une plaisanterie donc, la question étant traitée sur un mode dramatique, la réponse enjouée et rieuse. Encore une fois, ce quatuor n'est le dernier que par hasard. Impossible pourtant de ne pas y entendre autre chose qu'une farce... Ce n'est pas pour rien que le thème de la question sera réutilisé par Liszt pour son poème symphonique "Les préludes", et par Franck pour sa symphonie.

Ce quatuor si fin, si beau, dernier cadeau du maître, gardera toujours sa part de mystère.



Discographie

Compte tenu de l'importance des quatuors de Beethoven en tant que corpus, autant faire directement l'acquisition de l'intégrale. Pour toute formation, un tel enregistrement est une consécration : aussi la discographie est-elle de très haut niveau. A dire vrai, il n'existe pas d'intégrale médiocre. Pourquoi faire un choix alors ? Selon les goûts, on se tournera vers les Vegh (il y a deux intégrales : savoir laquelle est la meilleure sera une question à jamais sans réponse) pour leur humanité, les Italiano pour la beauté incomparable du timbre, ou les Juilliard, sans concession, intraitables.


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